Le 21 mai 2020, Aria Snaps – un nom qui désigne un couple d’indépendants suisse romand spécialisé dans la production de contenus audio-visuels – publie sur sa page Facebook le lien d’une vidéo mise en forme pour raconter leur vécu de la crise en images et en sons. Oriana est photographe, David est vidéaste, « chasseurs d’émotions » est l’expression qu’ils ont choisie pour accompagner le nom d’Aria Snaps. D’ordinaire, leur travail consiste à produire des photographies et des vidéos des moments marquants de la vie de leurs clients, notamment des mariages, grossesses, naissances, maladies ou encore anniversaires. Leur activité professionnelle a été complètement arrêtée le 16 mars 2020 et interdite de manière officielle le 26 mars par les autorités vaudoises faisant suite aux ordonnances du Conseil fédéral. Aria Snaps annonce sur Facebook pouvoir reprendre son activité lors de la première phase de déconfinement du 27 avril prononcée par le Conseil fédéral mais de manière très restreinte, en devant respecter des mesures d’hygiène très strictes, et après avoir dû batailler avec les autorités vaudoises pour faire partie de cette première vague de reprise.
Cette vidéo de près de cinq minutes est présentée comme le récit de cette période telle qu’ils l’ont vécue, en réponse à un « challenge » lancé personnellement par un confrère vidéaste suisse Olivier Kandyflosse.

La vidéo est composée de trois parties qui chacune s’ouvre avec l’indication d’un jour numéroté pour signaler un changement de temporalité dans la période vécue et, ainsi, une évolution. Chaque temporalité est singularisée par un changement de coloration sonore et visuelle.
La vidéo s’ouvre sur le « Jour 16… » et fait retentir le son d’un réveil matin sur une musique plutôt sombre. Les premières images illustrent la routine du matin du couple à l’intérieur d’un appartement : le café qui coule dans la tasse, la cigarette qui brûle dans le cendrier, le couple de dos sur le balcon faisant face au lever du soleil. On voit ensuite Oriana faire des exercices de sport, toujours à l’intérieur, des images auxquelles d’autres sont entrecoupées de manière à évoquer des pensées ou des souvenirs, en l’occurrence de mariages, rappelant ainsi leur activité arrêtée. La mise en scène de la routine se poursuit avec des plans de douche et d’une baignoire dans laquelle le visage d’Oriana est plongé : elle hurle sous l’eau et semble se noyer. De nouvelles images sont entrecoupées à ce plan et montrent d’autres souvenirs de leur activité mais aussi des urgences hospitalières et des extraits de conférences de presse du Conseil fédéral à la télévision. Le plan passe à la confrontation d’Oriana avec son image dans le miroir ruisselante d’eau qui perle sur son visage et de ses yeux telle des larmes qu’elle essuie. Le plan suivant passe au salon et met en scène l’attente et l’impatience avec une accélération des images. On voit ensuite Oriana se maquiller puis se mettre au travail devant un ordinateur où elle hurle à nouveau. Les images alternent entre la représentation d’une apparence de travail sans signe particulier et la présentation de signaux corporels de fatigue, d’agacement et d’incompréhension. Cette première partie se termine sur une séquence du portrait d’Oriana avec le mot OUT peint sur les lèvres en référence à l’action et au « coup de gueule » lancés sur Instagram le 9 avril par l’auteur de bande dessiné Pierre Wazem, dans le but de dénoncer la situation de détresse des indépendants et des petits patrons de PME suisses et pour signaler l’abandon collectif ressenti face à l’inaction du gouvernement à leur égard.

La deuxième partie passe au « Jour 31… » et fait entendre une grande inspiration en fond sonore. La musique devient plus douce et s’accompagne de chants d’oiseaux. La vidéo fait défiler des images de nature : le soleil, les arbres, des fleurs, des cours d’eau, des poissons, des champs dans lesquels Oriana se promène. Elle finit par se coucher dans l’herbe, ferme les yeux puis les ouvre tout grand avec une profonde inspiration.


La troisième partie indique une arrivée au « Jour 49… ». La musique change à nouveau, elle est aussi positive mais elle est bien plus rythmée et dynamique. Elle met en scène les retrouvailles avec la famille qui se serre dans les bras, des rires, des verres de vin, Oriana qui danse, toujours à l’extérieur. On voit ensuite des images de la reprise du travail avec Oriana qui photographie un couple de clients en portant un masque d’hygiène. La caméra opère un gros plan rapproché d’Oriana qui regarde dans l’objectif de son appareil photo, toujours en portant un masque d’hygiène, Oriana qui, lorsque la caméra s’arrête, baisse son appareil et effectue un clin d’œil. On voit également à plusieurs reprises le couple de dos au bord d’une montagne, une image reprise peu avant la fin de la vidéo où ils se regardent, main dans la main, puis avance avant de basculer sur un plan d’Oriana qui court avec force et détermination sur une route de campagne. De nouvelles images sont entrecoupées pour évoquer des pensées : on la voit en train de prendre un apéro, préparer des pâtisseries mais aussi mimer une bagarre devant un mur tagué dans une ruelle. En pleine course, on voit ses yeux froncés, ce qui lui donne un air de révolte, malgré le port du masque, masque qu’elle finit par arracher en poussant un cri, comme si elle se débarrassait d’une muselière. L’image laisse ensuite place à trois phrases présentées alternativement à l’écran, un chiffre qui rappelle les trois parties temporelles de la vidéo : « La Vie est un combat, plie mais ne romps pas », « Découvre qui tu es, connais ta valeur et sache que tu as toujours le choix » et « La réponse, c’est l’amour, ne l’oublie pas ». Enfin, la vidéo se termine par l’image du couple qui fait un signe de tête à la caméra puis se retourne et va de l’avant.


Cette vidéo se trouve en ligne sur l’hébergeur de vidéo Vimeo.com et est accompagnée d’un long texte de présentation qui explicite certaines dimensions de la vidéo, notamment la difficulté vécue à cause de l’arrêt de leur activité professionnelle et la problématique de la situation collective traversée économiquement par les indépendants. Des extraits choisis ont servi à constituer le texte de la publication Facebook qui, le 10 juin 2020, sur la page officielle Aria Snaps, a reçu soixante-cinq cœurs et like, dix partages et a été commentée vingt-deux fois.
Marine Kneubühler