Hygiène et distance devant les caisses automatiques d’un supermarché 11.03.2020

En ce mois de mars, quelques jours avant que les autorités politiques suisses prononcent les mesures de semi-confinement, je me tiens devant les caisses automatiques de la Migros. Presque tous les clients portent des masques, certains ont même enfilé des gants ; pour ma part, je porte uniquement un masque. Après chaque client, la vendeuse en charge de ce secteur passe un coup de chiffon avec du désinfectant. Elle porte elle aussi des gants et un masque. Chaque fois qu’elle établit un échange avec un client, elle s’efforce de rester à une distance respectable. Alors que je m’approche d’une caisse, elle me regarde l’air de dire : « que se passe-t-il ? ». Soutenant calmement son regard, je lui demande comment elle gère son quotidien au travail depuis le début de la crise. Elle me répond qu’elle n’a « pas le choix », mais qu’elle prend « le plus de précautions possibles ». Elle poursuit sur le ton de la confidence en précisant que certains clients « n’en ont rien à foutre des distances et se collent pour parler », une attitude qui, si j’en crois les mouvements de sa voix et de son regard, semble passablement l’énerver. Puis, soudainement, tout en s’excusant, la vendeuse met un terme à notre conversation et s’en va essuyer, pour la énième fois, les caisses automatiques qui viennent de se libérer.

Cette vendeuse s’affairait au milieu de certaines de ses collègues qui, sans masque ni gants, s’abstenaient de fournir les gestes nécessaires au maintien de la distance de sécurité avec les clients. Il m’est apparu qu’elle était, seule au milieu des autres, touchée au plus profond de son être par la pandémie. Cette expérience a provoqué en moi un sentiment diffus et étrange, comme si nous vivions un moment de crise intense duquel nous ne se sortirions jamais et qui deviendrait notre quotidien, une nouvelle habitude. J’ai quitté le magasin en espérant vivement que tout ceci ne serait bientôt plus qu’un souvenir et que les choses allaient, malgré tout, reprendre leur cours normal.

Une étudiante du bachelor en sciences sociales de l’Université de Lausanne, participante au séminaire de sociologie générale « Ethnographie de l’espace public urbain »