Parmi d’autres usagers et usagères des transports publics lausannois, j’attends le bus de la ligne 2 à l’arrêt « Rue Neuve ». Bientôt un bus s’arrête et ouvre ses portes. Alors que j’entre dans le véhicule, je finis d’ajuster mon masque chirurgical tout en fixant des yeux un siège, encore vide, situé en face de la porte. C’est ainsi que juste après avoir franchi les escaliers menant à l’intérieur du bus, les deux pieds posés sur le sol, je me retrouve face à deux passagers qui sont assis de biais sur leur siège, l’un derrière l’autre. Leur corps est positionné non pas dans le sens du bus, mais face à moi. À leur façon de tenir leur tête, je note qu’ils voyagent ensemble ou dans tous les cas qu’ils se connaissent. Au moment de pivoter sur ma droite pour emprunter le couloir en accordéon du bus – finalement, j’ai décidé de m’asseoir quelques mètres plus loin, dans une zone moins encombrée –, je surprends leur conversation. L’homme dit à la femme, dont le visage est dissimulé par un masque en tissu : « Ah mon masque, j’ai oublié ». Je vois l’homme sortir de sa poche de pantalon un masque chirurgical plié en boule, le déplier et l’enfiler prestement. Alors que je regagne ma place, je m’aperçois, songeuse, que mon entrée dans le bus a été saisie comme un rappel de la règle qui court en Suisse depuis le début du mois de juillet 2020: ce passager qui « n’avait pas vu » le masque de sa compagne de voyage a vu le mien.
Fabienne Malbois, sociologue, Haute école de travail social et de la santé, Lausanne