La vendeuse et le client non masqué : rappel en douceur de la conduite à adopter. 13.10.2020

Il est 18h45 ce mardi soir de la mi-octobre 2020, en Suisse. Les magasins d’alimentation de mon quartier vont bientôt fermer leurs portes. De retour après une journée de travail passée dans mon bureau à l’Université de Lausanne, peut-être l’une des dernières avant longtemps (depuis quelques semaines, le nombre des hospitalisations ne cesse d’augmenter), je me suis hâtée de franchir la porte du petit centre commercial qui abrite la Migros de St-Paul. Ils sont relativement rares les clients qui, comme moi, effectuent leurs courses de dernière minute et il règne une ambiance plutôt calme dans le magasin. J’ai envie d’un aliment léger et frais. 

Postée face aux frigos posés contre le mur, j’hésite en parcourant les différents étalages. Le couloir qui sépare les frigos des stands où sont exposés les fruits et légumes frais est étroit. Une seule personne peut y circuler à la fois. Sur ma droite, à une distance d’un ou deux mètres, un client est penché sur les cagettes de raisins. Soudain, je sens une présence venir dans mon dos depuis la gauche, et j’entends une fois féminine s’adresser à moi sur un ton ferme : « Excusez-moi Madame, j’aimerais passer ! » Je m’exécute et me rapproche des frigos pour libérer la place derrière moi. Au moment où je m’écarte, je tourne la tête légèrement vers l’arrière. Je m’attends à voir un chariot plein de marchandises poussé par une vendeuse, mais mes yeux s’arrêtent sur un ventre gonflé enserré dans la blouse orange que porte le personnel de la Migros : la vendeuse est enceinte. 

Pourquoi veut-elle passer ici, me dis-je, la zone est découpée par des allées qui seraient plus aisées à emprunter. L’énigme se lève quand j’entends la vendeuse s’adresser au client qui se tient sur ma droite : « Excusez-moi Monsieur, il faudrait porter un masque ». Par réflexe, je me tourne vers le client pour le regarder. Un peu gêné, ce dernier s’excuse de son oubli et farfouille dans sa poche pour en retirer un masque noir en tissu et l’ajuster sur son nez. Dans le canton de Vaud, le port du masque est obligatoire dans les commerces depuis le mois de juillet. La vendeuse n’en fait cependant pas tout un plat. Donnant crédit à l’oubli, elle minimise la transgression avec tact tout en rappelant la règle à suivre : « Ce n’est rien, merci ». L’événement clos, la situation pacifiée, chacun retourne à ses occupations. 

Par Fabienne Malbois, sociologue