Encore debout. 19.03.21

Trouvant un tel partage d’expériences nécessaire afin de recréer une forme de lien (solidaire, empathique, rassurant…) je me suis demandée, en écrivant pour ce blog, ce que je pourrais bien ajouter comme pierre à l’édifice. N’étant pas la plus durement touchée par la situation, je suis surtout, pour le moment, celle dans mon entourage qui voit et assiste à la déconstruction des quotidiens d’une bonne partie de mes proches ou moins proches. Ces observations, je les vis aussi de manière « coup de poing », lors de sorties, notamment en voyant certaines vitrines de restaurateurs et autres petits commerces en faillite. 

Si la société est passée, de manière visible, d’une forme de peur collective – on se rappelle tous sa forme la plus ironique, à savoir des rayons de pâtes et papiers toilettes vides) – à une forme apathique de ras-le-bol généralisé, je sens aujourd’hui comme jamais auparavant une absence crue de ce qui « fait société ». Pourtant, je sens aussi quelque chose qui gronde sous la surface.

Les amis, en prise avec leurs propres soucis, s’éloignent et s’effacent, l’entraide solidaire entre voisins et les aides aux personnes en difficulté disparaissent, sans parler de la notion de « soutien » au personnel soignant. Qu’on ait adhéré ou non aux applaudissements sur les balcons, ils n’existent plus. Durant cette seconde vague, le quotidien semble s’être figé dans un éternel présent, avec l’impossibilité de se remémorer la vie d’avant et d’imaginer un futur commun où l’individu ne serait plus seul à tenter de reconstruire ce qui lui a été arraché par cette période hors du temps. 

Que peut donc faire un individu seul et isolé pour faire enfin bouger cette inertie sociale et retrouver du lien, un sentiment d’unité avec ses pairs ? Mais surtout peut-être, retrouver confiance en un futur enfin désirable, et non un avenir dans lequel ne plane que le spectre de la crise économique et une précarisation généralisée ? 

Mon début de réponse, je l’ai trouvé en tentant de faire de mon mieux avec mes ressentis, parfois passablement anxiogènes autour de tout cela, en les écoutant et les nommant. Mais là aussi, il y a le risque de rester seule, sans partage et mise en commun de ces ressentis. Pire encore, je culpabilise de me sentir mal, c’est-à-dire d’oser exprimer publiquement mes inquiétudes et appréhensions, alors que d’autres ont réellement perdu tout un pan de leur vie, que ce soit sous une forme et une autre. Et pourtant… 

Je pense que c’est malgré tout important de mettre des mots sur un ressenti, même vague, ou d’apparence inutile. Peut-être que mes mots pourront faire du bien à quelqu’un, peut-être pas. Je tente le pari : partager quelque chose de mon expérience est une manière de faire ma part de « lien » social. En espérant que d’autres émotions pourront bientôt refleurir de manière plus positive sur l’avenir, que ce soit à travers ce blog ou de manière plus globale. 

Par Roxane Borgeaud, étudiante en sciences sociales à l’Université de Lausanne