Tout le monde a pu le constater : cette pandémie a mis le monde sens dessus dessous et il ne sera plus jamais le même. L’enseignement ne fait pas exception. Dans les lignes ci-dessous, je me propose de raconter comment j’ai dû adapter mon enseignement à cette situation particulière. Expliquons d’abord brièvement le contexte dans lequel j’enseigne. Il s’agit d’un établissement primaire et secondaire dans les Alpes vaudoises et je me charge des élèves allophones, allant de la 7ème à la 11ème année, et qui suivent le CIF (Cours intensif de français). Ma mission est donc que ces élèves développent leurs compétences en langue française afin d’être intégrés au mieux.
Dès le 16 mars 2020, toutes les écoles vaudoises étaient fermées au moins jusqu’à fin avril. Dans ce contexte, il fallait réfléchir à la manière de mettre en pratique un enseignement à distance en partant de zéro. Rien n’était prévu pour une situation pareille, inédite. Tandis que pour des collègues enseignants proches de la retraite ce qui s’est passé avec le Covid-19 ne leur était jamais arrivé durant toute leur carrière, pour moi, cela restera un événement marquant ma première année dans l’enseignement.
Tout un tas d’outils et de ressources ont été développés et mis en valeur par les enseignants. En ce qui me concerne, j’ai utilisé : Padlet, une plateforme de partage très amicale, pour améliorer la présentation et l’organisation des activités mais également la remises des devoirs ; des livres-audio ; et Google forms, une plateforme pour créer des questionnaires en ligne, pour rendre plus efficientes mes corrections. La question des échanges de courriels avec les élèves mériterait un autre texte (à l’exception de certains cas, mes élèves ne connaissent que très peu les bases de ce canal de communication). De plus, l’apport du CRUMA (Centre de ressources de l’Unité migration accueil pour les enseignants d’accueil) a été très important car très actif dans le partage de séquences et de ressources spécifiquement conçues pour les élèves qui ne parlent pas le français. Or, toutes ces ressources n’avaient aucun sens s’il n’y avait pas une remise en question totale de ce que l’on faisait en classe, pour ensuite le transposer à la nouvelle réalité.
Quel était le principal défi pour les enseignants d’accueil pendant la période de confinement ? Il s’agissait avant tout d’adapter l’enseignement à la nouvelle réalité de chaque élève ; à mon avis, cela revenait à considérer la fonction instructive de l’école comme devant être temporairement subordonnée à sa fonction sociale. En effet, étant donné que l’enseignement en présentiel n’avait pas lieu, il s’agissait d’assurer l’enseignement tout en considérant la situation spécifique de chaque élève dans son nouveau contexte de travail : le foyer. Pour le cas particulier des élèves allophones, vu que dans la plupart d’entre eux parlent une autre langue que le français à la maison, il était essentiel de maintenir un lien avec le français. Pour ce faire, il fallait créer des dispositifs porteurs de sens, qui soient attirants dans ce nouveau contexte.
De ma perspective pédagogique, il s’agissait donc de pousser les élèves et leur famille à accueillir l’école à la maison. Des activités comme la préparation d’une recette de cuisine, la présentation de leur appartement, le récit d’une histoire ayant lieu pendant le confinement ou tout simplement la tenue d’un journal de bord faisaient sens. Cependant, ces dispositifs pédagogiques ont bien évidemment des limites. Il est clair que le contexte de la pandémie n’a fait que creuser les inégalités entre les élèves, notamment pour les élèves allophones. L’enseignement en présentiel a des qualités qui ne peuvent être remplacées par les outils informatiques, quel qu’en soit le genre. Les élèves, tout particulièrement les élèves allophones, ont besoin d’échanges entre eux, de communications non-verbales et du partage d’un même espace de référence, celui de la salle de classe.
Rien ne sera plus comme avant et le principal constat que l’on peut tirer de cette expérience d’enseignement à distance pendant la période du semi-confinement est que l’espace de la salle de classe est véritablement irremplaçable.
Jonathan Funes, enseignant de Cours intensifs de français