Cet article fait partie d’une série de textes écrits par des étudiant.e.s du bachelor en sociologie de l’Universidad Nacional de La Plata (Faculté des sciences humaines et de l’éducation). La traduction de ces textes a été réalisée collectivement par des étudiant.e.s de la même université, participant aux programmes de Traduction scientifique et technique française I et de Traduction littéraire française I : Branko Dicroce Giacobini, Maivé Habarnau, Romane Lee, Juan Martín López Fernández et Horacio Mullally. La révision et l’édition des textes a été effectuée par leurs enseignantes, les Profs. Ana María Gentile et Daniela Spoto Zabala (FaHCE-UNLP). Leur publication sur ce blog a été rendue possible par Mariano Fernández, Professeur à l’Universidad Nacional de La Plata et à l’Universidad Nacional de las Artes de Buenos Aires, membre de l’équipe éditoriale de Covies-20.
J’ai bien mis mon masque et pris mon sac réutilisable ; je suis enthousiaste à l’idée de sortir et d’explorer les alentours. Pendant les deux derniers mois, un acte aussi banal que de porter mon sac dans la rue me donnait un sentiment de sécurité, comme s’il me protégeait des regards incisifs des inconnus et des voisins. Les regards de méfiance et même de réprobation deviennent plus évidents avec les masques car ils effacent presque toutes les expressions du visage – à l’exception de celle des yeux qui, je l’avoue, m’intimide.
Comme s’il s’agissait d’une sorte d’étendard, de signe qui légitimerait ma présence hors de la maison, le sac me libère, au moins partiellement, de ce « panoptique foucaldien » qu’est devenu mon quartier. Ces jours, les mots de Sartre résonnent dans ma tête : « l’enfer c’est les autres » ; c’est bien ce que l’on ressent par moments.
Mais, dehors, tout n’est pas si hostile. À quelques pas de chez moi, des enfants apparaissent à la fenêtre. Au moment où je passe , ils me sourient et m’adressent des gestes de salutation enthousiastes, auxquels je réponds de la même manière. Heureusement, ils ne portent pas de masque à l’intérieur. Manuel et Martin, âgés de 9 et 6 ans, sont les plus jeunes habitants de la rue. Sur la vitre de leur fenêtre, il y a un papier collé dont le message est optimiste : « Ça va aller ». La phrase est accompagnée d’un joli arc-en-ciel, peint avec soin, et de quelques gribouillages.
Qu’en sera-t-il de l’avenir ? Les regards méfiants continueront-t-ils après que tout ceci sera « passé » ? L’autre continuera-t-il à être un objet de menace et de méfiance ? Pour l’instant, j’ai décidé de me concentrer sur mes pas ; fermes et résolus, ils feront peut-être fuir les regards nocifs et inquisitoires. Les sourires de Manuel et Martin ont réussi à réveiller mon propre sourire – un sourire qui se dessine secrètement derrière mon masque et s’esquisse, timidement, dans mes yeux. Mon sac m’accompagne.
Paz Misson, étudiante du bachelor en sociologie de l’Universidad Nacional de La Plata